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vous êtes venu pour secourir Louis. Faites fermer les portes de l’abbaye de Saint-Martin. Vous y trouverez quatre-vingts clercs et chanoines, des évêques et des abbés de haut nom, qui, par soif d’argent, ont provoqué la rebellion. Aujourd’hui même Louis doit perdre sa couronne, s’il n’est secouru par Dieu et par vous. Coupez les têtes des traîtres ; je prends sur moi le péché de ne pas respecter la maison de Dieu.

— Bénie soit l’heure qui vit naître un tel moine ! dit le comte avec un cri de joie. — Dites-moi où je trouverai le roi.

— Je vous jure de vous l’amener, monseigneur, s’il plaît à Dieu, et si je n’y perds la vie.

Il sortit et descendit dans le grand souterrain, où se trouvait le prince. Le brave moine le prit par la main et lui dit :

— Fils de roi, prenez courage ; car aussi vrai que Dieu est avec nous, vous avez plus d’amis que nous ne croyions ce matin. Le marquis Guillaume est arrivé avec plus de douze cents chevaliers ; il a fait occuper toutes les issues de la ville par les siens et il vous attend dans l’église.

Louis tout joyeux courut à l’église.

— Voilà votre défenseur, dit le moine. Jetez-vous à ses pieds et implorez sa merci.

Le jeune homme s’agenouilla devant le comte, embrassa ses genoux et baisa son soulier. Guillaume ne le reconnut pas ; car la nuit régnait presque sous les voûtes sombres.

— Lève-toi, jeune homme, lui dit-il ; quel que soit le tort qu’un homme m’ait fait, du moment qu’il se jette à mes pieds, je lui ai pardonné.

Le moine parla pour l’enfant, et répondit :

— Monseigneur, c’est Louis, le fils de l’empereur Charles, qui implore votre merci. Il sera tué aujourd’hui même, si avec l’aide de Dieu vous ne le secourez pas.

À ce mot le comte releva vivement le jeune homme, et l’embrassant :