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— Ouvre-nous la porte et ne nous laisse pas nous morfondre ici. Nous venons pour soutenir le puissant duc, dont le fils sera bientôt couronné roi en cette ville, d’après le vœu des Français.

Le portier en colère grommela entre ses dents :

— Sainte mère de Dieu ! si mon pauvre roi Louis n’est secouru par la Providence divine, il ne sortira d’ici que pour aller à la mort. Où se cachent donc les chevaliers fidèles et le fils d’Aymeric de Narbonne, qui autrefois vint en aide à son roi légitime ?

Et s’adressant à Guillaume :

— Tu ne mettras pas les pieds ici, fit-il. Il n’y a déjà que trop de traîtres ; je ne veux pas que tu en accroisses le nombre. C’est merveille que la terre veuille te porter ; plût à Dieu qu’elle se fondît sous tes pieds, et que le roi Louis fût en possession de son trône ! le monde serait bientôt délivré des méchants.

— Mon ami, lui répondit Guillaume en souriant, tu m’as fièrement refusé la porte ; mais si tu savais de quel pays je suis et à quelle famille j’appartiens, je pense, d’après ce que tu viens de dire, que tu me l’ouvrirais à deux battants.

— À la bonne heure, dit le portier en ouvrant le guichet pour mieux le voir. Sire chevalier, si vous me permettez de parler, je vous demanderai votre nom.

— Certes, je te dirai la vérité ; car jamais je n’ai caché mon nom par crainte d’homme qui vive. Je suis Guillaume ; mon père est le duc de Narbonne.

— Dieu soit loué ! s’écria le portier. Seigneur Guillaume, je sais bien pourquoi vous êtes ici ; votre lignage ne connut jamais la lâcheté. Mais faites attention à ce que je vais vous dire ; le mauvais Richard s’est jeté dans la ville avec sept cents chevaliers armés, et vous, mon noble seigneur, vous avez trop peu de monde avec vous, pour venir à bout de ses forces.