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les Sarrasins s’avanceront pour me secourir, que les vôtres tiennent leurs lances prêtes.

Jamais il ne se vit meilleur converti. On fit tout ce qu’il conseillait ; seulement on ne le battit pas, mais on le barbouilla avec le sang d’un lévrier. On alla jusqu’aux bords du Tibre, et Galaffre se mit à crier :

— Champion, mon neveu, venez à mon aide ; j’en ai plus besoin que jamais, car ces Chrétiens me traitent fort mal. Leur Dieu, qui les fait triompher, n’est pas à dédaigner. Mais c’est une indignité de lier un roi couronné.... Faites leur rendre les captifs.

Le vaisseau où étaient les malheureux s’approcha de la rive et on les débarqua. Il en était temps ; car tous ils avaient été tellement maltraités par les païens, qu’ils avaient le visage et les épaules ensanglantés. Le comte Guillaume pleura de pitié en les voyant dans cet état. À sa requête le Pape leur fit distribuer des draps et des fourrures, de l’or et de l’argent, afin qu’ils pussent regagner leur foyers.

Quand ils furent partis pour Rome, le comte Guillaume s’assit à côté d’un buisson, et le noble duc Gaifier se jetant à ses pieds, lui dit :

— Noble Chevalier, vous m’avez secouru et délivré des mains de ces diables, qui allaient m’emmener prisonnier en leur pays, de sorte que je n’aurais jamais revu mes biens et mes fiefs. J’ai une fille, d’une beauté incomparable, je vous la donnerai volontiers, si vous voulez l’épouser ; vous aurez avec elle la moitié de mon duché et après ma mort vous serez mon héritier.

Le comte demanda à réfléchir, et tirant le Pape à l’écart, lui demanda s’il fallait l’épouser ?

— Certes, répondit-il, vous êtes un bachelier qui doit se pourvoir de biens.

Le comte promit de suivre son conseil. On le conduisit vers la jeune dame, qui était si belle que nul pélerin, combien de pays qu’il eût parcouru, n’avait jamais rencontré la