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coups du roi. Celui-ci fut atteint d’un coup si rude qu’il perdit les deux étriers et tomba sur le sol, où la pointe qui terminait son heaume alla se ficher. Guillaume allait lui trancher la tête, lorsque le vaincu lui cria :

— Chevalier, ne me tue pas, si tu es Guillaume ; mais prends-moi vif ; tu ne feras qu’y gagner. Je te rendrai le noble duc Gaifier, sa femme, sa fille et les trente mille malheureux que je tiens prisonniers, qui tous auront la tête coupée, si tu me tues.

Le comte Guillaume y consent, et se baissant sur son cheval, il reçoit la riche épée que le roi lui tend. Il l’envoie au Pape avec trois cents autres prisonniers. Les Sarrasins voyant leur seigneur prisonnier, se prennent à fuir, ne s’arrêtant qu’à leurs vaisseaux ; ils s’embarquent et prennent le large.

Quand on eut désarmé le roi prisonnier à l’ombre d’un olivier, le noble comte lui demanda comment ils délivreraient les prisonniers qui étaient à bord de la flotte ? Galaffre répondit qu’il ne s’occuperait d’eux que quand il serait baptisé et qu’il n’aurait plus rien à démêler avec Mahomet. Guillaume rendit grâces à Dieu de cette conversion, et le Pape fit aussitôt apprêter les fonts et l’on baptisa le roi. Guillaume, Guibelin, Gautier et trente autres vaillants chevaliers de noble famille furent ses parrains. Mais on ne changea pas son nom. Aussitôt après ils demandèrent l’eau et s’assirent au banquet. Mais à peine eurent-ils dîné que Guillaume dit :

— Gentil roi, noble filleul, approchez-vous de moi, et dites-moi comment nous délivrerons les pauvres prisonniers qui gémissent dans vos fers ?

— Il faut agir avec prudence, répond le roi ; car si les Sarrasins se doutaient que j’ai été baptisé, ils me laisseraient plutôt écorcher vif que de me rendre la valeur d’un seul denier. Ôtez-moi mes habits, mettez-moi sur un mauvais roncin, maltraitez-moi, et avançons si près d’eux que ma voix puisse parvenir jusqu’à eux. En même temps vous cacherez vos hommes dans ce bosquet d’oliviers, et quand