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Il frappa sa cotte de mailles et en détacha trois cents anneaux ; heureusement pour le Turc qu’il en portait une seconde dessous, qui lui sauva la vie. Corsolt adressa au comte ces mots pleins de mépris :

— Guillaume, tu n’es qu’un lâche, et tes coups, je ne les crains pas plus que ceux d’un hanneton.

Ce disant, il détache sa masse d’armes et revient sur Guillaume, écumant de rage comme une bête traquée par les chiens. Il lui en porte un si grand coup sur son écu qu’il le met en pièces. Si Dieu et la Sainte-Vierge ne s’en étaient mêlés, c’en était fait de Rome. Les Romains jetèrent de hauts cris et le Pape dit :

— Saint-Pierre, où es-tu ? S’il succombe, mal t’en aviendra ; car tant que je vivrai, nulle messe ne sera chantée en ton église.

Le comte Guillaume, tout abasourdi du coup, s’émerveillait néanmoins que le Turc, malgré le sang qu’il perdait, se maintînt si longtemps en selle. Il eût pu le mettre à pied ; mais il épargnait autant que possible le destrier, pensant au profit qu’il en retirerait s’il pouvait s’en rendre maître.

Le Sarrasin, plein de rage, adressa à Guillaume ces invectives :

— Misérable Français, vois où ton outrecuidance t’a conduit. Tu as perdu la moitié de ton nez. Après cet opprobre pour toi et les tiens, Louis ne voudra plus de toi pour serviteur. Tu vois bien que tu ne peux plus te défendre ; je serai obligé de t’enlever vivant, car l’émir m’attend pour dîner, et il doit s’étonner de me voir tarder si longtemps.

Cela dit, il se baisse sur le devant de l’arçon, dans l’intention de charger son adversaire tout armé sur le cou de son cheval.

Guillaume, pâle d’émotion, se hâta de profiter de l’occasion qui s’offrait de porter un bon coup ; de toutes ses forces il frappa le roi sur son heaume doré. Les fleurons et les