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— Tu mens, dit le païen. Mais si tu veux te soumettre à moi et adorer Mahomet, je te donnerai châteaux et terres, plus que tous les tiens ensemble n’en eurent jamais ; car tu es de bien noble race, et j’ai souvent entendu parler de tes prouesses. Ce serait dommage, si tu mourrais de mort honteuse. Dis-moi, veux-tu m’obéir ; si non, tu mourras à l’instant.

— Lâche, reprit Guillaume, je te méprise plus que je ne faisais tout à l’heure ; un homme de cœur ne menace point.

Cela dit, il s’élança sur son cheval, sans se servir de l’étrier et sans mettre la main à l’arçon : il arrangea son écu à son cou et brandit sa lance d’un air courroucé. Le Sarrasin fut forcé de s’avouer qu’il aurait affaire à un homme courageux ; il eût bien voulu lui offrir la paix.

— Allons, Français, lui dit-il, renonce à la possession de Rome pour ton Dieu, au nom duquel tu veux combattre.

— Oui, répondit le comte, je combattrai au nom de Dieu. Rome appartient de droit à notre empereur Charles, avec la Lombardie et toute la Toscane ; le Pape la tient sous lui.

— Si tu veux à toute force me disputer mon héritage, il faudra te battre avec moi. Je veux cependant te donner un avantage qui n’est pas à dédaigner. Pour éprouver la force d’un petit homme tel que toi, je ne bougerai pas quand tu planteras-ton épieu dans mon écu.

Guillaume ne se le fit pas dire deux fois. Il fit reculer son cheval l’espace d’un arpent, puis il serra avec force sa lance dans la main. Le Sarrasin ne bougea pas de sa place.

Le Pape voyant que le combat allait s’engager, cria :

— Que tout le monde se jette à genoux, pour supplier Dieu qu’il nous ramène sain et sauf Guillaume au bras de fer !