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Le Pape devint tout joyeux à cette proposition. Il pensa aussitôt au comte Bras-de-fer ; il l’avait vu s’armer devant l’autel et savait bien que jamais meilleur chevalier n’avait existé. Il accepta l’offre et voulut voir le champion qui devait disputer Rome à Dieu.

Galaffre fit appeler le roi Corsolt, un gros géant, hideux comme un diable, aux yeux flamboyants comme des charbons ardents, avec une large tête et des cheveux hérissés. La distance entre ses deux yeux était d’un demi-pied, et la mesure de ses épaules à sa ceinture était d’une grande toise. Jamais homme plus hideux n’avait mangé de pain.

En voyant le Pape, il se mit à rouler les yeux et lui cria de sa grosse voix :

— Petit homme, que cherches-tu ? As-tu fait un vœu, pour avoir la tête rasée ?

— Oui seigneur, celui de servir Dieu et Saint-Pierre. C’est en leur nom que j’ai offert tout le trésor de l’église si vous voulez retirer d’ici vos armées.

— Tu sembles hors de ton bon sens, reprend Corsolt, d’oser ainsi plaider devant nous la cause de ton Dieu, contre qui je suis en colère plus qu’homme qui vive. Il tua mon père d’un coup de foudre, et ensuite il fut assez avisé pour monter au ciel et s’y cacher. Je ne puis l’y rejoindre, mais je me suis vengé sur ses serviteurs ; j’ai détruit par le feu et par l’eau plus de trente mille hommes qui avaient reçu le baptême. Si je ne puis guerroyer là-haut contre ton Dieu lui-même, je ne ferai grâce à aucun de ses serviteurs. Il n’y a plus d’accord possible. À moi la terre, à lui le ciel. Si je réussis à me rendre maître de cette terre, malheur à tout ce qui tient à lui. Les clercs qui chantent, seront écorchés vifs, et toi-même, qui es à leur tête, je te ferai brûler sur des charbons ardents.

Il est assez naturel que ce discours remplit le Pape de terreur.