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Lorsque tout le monde fut réuni en armes sur la place, le Pape leur donna sa bénédiction et dit :

— Seigneurs chevaliers, attendez-moi ici. J’irai parler à l’émir musulman. Si pour les richesses que je lui promettrai, il veut quitter le pays avec ses vaisseaux et ses armées, je lui donnerai le trésor de l’église, jusqu’au dernier calice, jusqu’à la dernière chape. J’aime mieux perdre mon dernier denier que de voir mourir tant de gentilshommes.

Accompagné d’un seul abbé, il va droit au camp trouver le roi Galaffre. Ils ne se saluent pas : le roi regarde le Pape d’un œil féroce, et celui-ci l’apostrophe de la sorte :

— Sire, je viens de la part de Dieu et de Saint-Pierre, vous dire de quitter ce pays avec vos gens. Je vous offre tout le trésor de l’église, jusqu’au dernier denier. Entendez raison, noble roi, et ne soyez pas cause de la mort de tant de nobles chevaliers.

— Tu n’as pas le sens commun, répondit le roi. Tout ici m’appartient de droit ; mes ancêtres ont bâti cette ville. Si je m’en rends maître, malheur à tout ce qui appartient à ton Dieu, malheur aux clercs qui le servent ! je leur apporterai douleur et honte.

Le Pape se met à trembler ; il donnerait tout l’or de Carthage pour être loin de là. Il veut se retirer, mais Galaffre le retient.

— Entendez bien ceci, seigneur au large chapeau, et ne dites pas que je vous fais du tort. Choisissez un homme bien armé de la cité qui m’appartient de droit ; de mon côté j’en prendrai un de ma suite ; ils seront nos champions. Si votre Dieu a quelque pouvoir, qu’il fasse en sorte que mon champion soit défait, et alors vous posséderez Rome en paix ; on ne vous en ôtera pas la valeur d’un fromage. Et pour vous prouver que je suis de bonne foi, prenez mes deux fils en ôtage, et si je ne tiens pas ma parole, pendez-les tous deux au premier arbre venu.