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qu’une grande lance lui soit plantée dans le corps, pour qu’on le reconnaisse comme messager ! Les païens nous attaquent par centaines et par milliers ; il n’y a pas de temps à perdre, courons aux armes. Il ne faudra compter que sur nous-mêmes : ceux de Rome sont frappés de terreur. Du reste ils sont en petit nombre et les païens sont cent mille.

Le Pape implora de nouveau le secours du comte Guillaume, qui lui répondit :

— Que Dieu nous protége ! Je n’ai amené que quarante chevaliers en ce pélerinage, comment pourrais-je tenir tête à tant d’ennemis ?

— Hélas ! dit le Pape, rappelez-vous que Saint-Pierre est le gardien des âmes en paradis ; si vous faites cette prouesse pour lui, monseigneur, vous pourrez manger de la viande tous les jours, votre vie durant, et vous prendrez autant de femmes que vous désirez ; vous ne commettrez de péché qui ne vous soit pardonné ; enfin le paradis, que le bon Dieu réserve à ses amis, sera votre partage ; l’ange Gabriel vous y conduira.

— Bon Dieu ! fit le comte au bras de fer, jamais clerc n’eut cœur si libéral. Homme qui vive ne m’empêcherait d’aller combattre ces mécréants. Bertrand, beau neveu, allez vous armer, vous, Guibelin et les autres.

Le comte lui-même endosse le haubert et lace le heaume luisant, puis il passe son épée dans le baudrier de drap d’or. On lui amène son cheval ; il y monte sans toucher à l’étrier. Il pend à son cou l’écu resplendissant, et prend en main une forte lance, au bout de laquelle une banderole de soie est attachée par cinq clous d’or.

— Seigneur Pape, dit-il alors, combien d’hommes avez-vous ?

— Trois mille chevaliers, répondit le Pape, tous bien armés.

— C’est bien pour commencer. Faites leur prendre les armes, ainsi qu’à tous les gens de pied, qui resteront pour garder les portes et les barrières.