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Jamais songe ne fut réalisé comme celui-là ; car les Sarrasins, sous leur roi Galaffre, avaient envahi la Pouille et fait prisonnier le preux duc Gaifier, sa femme, sa fille et des milliers de malheureux, qui tous auraient eu la tête coupée, s’ils n’eussent été sauvés par Guillaume.

Celui-ci se leva de grand matin et s’en alla à l’église entendre la messe. À peine le service divin terminé, voici deux messagers, qui, pleins de frayeur, viennent en toute hâte raconter au Pape la triste nouvelle. Le Pape, qui avait déjà entendu parler de Guillaume Bras-de-fer, s’enquiert de lui. On le lui montre agenouillé sur les dalles de marbre, qui prie Dieu de protéger son seigneur, le roi Louis.

Le Pape s’approche de lui et lui touche l’épaule d’un bâton qu’il avait à la main, et aussitôt le comte Guillaume se dresse sur ses pieds.

— Pour Dieu, gentil chevalier, dit le Pape, dites-moi si vous pouvez m’aider ? Les païens nous attaquent, conduits par Galaffre avec tous les rois ses vassaux. Le duc Gaifier, qui devait me défendre, est tombé avec tous les siens aux mains des mécréants. Tous mourront s’ils ne sont secourus.

— Que Dieu nous protège ! dit le comte, et il se signa d’un air consterné, en entendant parler d’une si grande armée.

Son neveu Bertrand, tout étonné, lui dit :

— Oncle Guillaume, quelle peur vous prend ? Jamais je ne vous ai vu trembler pour homme qui vive.

— De grâce, beau neveu, reprit Guillaume, ne m’en voulez pas. Nous ne pouvons rien contre leurs forces. Tâchons de trouver un messager et envoyons-le vers Louis, afin qu’il vienne nous secourir. Charles restera en France pour maintenir la justice ; il est trop vieux et trop faible pour chevaucher.

— Que Dieu confonde celui qui fera ce message, s’écria Bertrand ! Que son écu soit percé, son haubert rompu,