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l’éclat de la bravoure inspirée ; c’est là ce que ni M. d’Avrigny, ni M. Soumet, ni même Schiller ne nous ont fait voir encore. Pourtant un autre poète national par excellence, Casimir Delavigne, avait chanté ces larmes si touchantes en des vers qu’avaient répétés tous les cœurs français :

 
« . . . . . . . . Quand, debout sur le faîte,
« Elle vit ce bûcher qui l’allait dévorer,
« Les bourreaux en suspens, la flamme déjà prête,
« Sentant son cœur faillir, elle baissa la tête,
« Et se prit à pleurer. »


Une âme non moins poétique et plus tendre, par conséquent plus capable encore de comprendre Jeanne d’Arc, une femme nourrie sur les degrés du trône, et qui avait peut-être aussi la conscience de sa triste destinée, a consacré ses mains royales à l’héroïne française ; les galeries de Versailles montrent avec orgueil l’image de la bergère de Domremi conçue et sculptée en marbre par la princesse Marie. Contemplons ce chef-d’œuvre d’art, de sentiment religieux et patriotique : la pose de Jeanne d’Arc a la mollesse de son sexe, et son œil fixe exprime la résolution, non du guerrier, mais du chrétien ; sa tête est légèrement inclinée comme pour prêter une oreille attentive aux voix des saintes ; et sa bouche mélancolique semble dire : « Que votre vouloir se fasse ! » Elle est à demi-armée ; ses vêtements flottent par-dessous sa cuirasse ; son casque est à ses pieds, et sa main tient élevée la garde de son épée, qui, pour la vierge sans peur et sans reproche, est, comme pour Bayart, avant tout une croix. Voilà bien la jeune fille, belle et simple comme la nature des champs, ennoblie et non enorgueillie par sa mission divine ; qui se résigne par obéissance à saisir le glaive, mais qui s’en servira pour défendre plus que pour attaquer, et portera toujours sous l’armure céleste un cœur de fille, de femme et de chrétienne. Telle est la Jeanne d’Arc de l’histoire : caractère éminemment religieux, éminemment français, éminemment touchant et poétique : la scène ne peut demander que sa fidèle reproduction.

C’est là, ce semble, la noble tâche que M. J.-J. Porchat s’est