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gique ; mais il n’est point touchant, parce qu’il n’a rien de féminin.

M. d’Avrigny n’a point osé accepter ce qui fait tout l’intérêt de la Jeanne de Schiller, l’inspiration sans arrière-pensée ; il a eu peur des railleries voltairiennes, oubliant sans doute Alzire et Lusignan, et a réduit toute sa mission divine à un songe, ressort usé, froid, au-dessous de la réalité comme de la situation. La Pucelle martyre n’est plus qu’une infortunée, pleine de courage, de grandeur d’âme même exagérée ; ce n’est point Jeanne d’Arc.

M. A. Soumet admet l’inspiration : Jeanne raconte elle-même comment la patronne de Paris lui est apparue et lui a tracé sa brillante mission. Mais elle seule paraît y croire ; ni le peuple, ni son père, ni ses sœurs, ne voient en elle autre chose qu’une noble et généreuse guerrière ; son défenseur lui-même, vrai philosophe du dix-neuvième siècle, se hâte de détruire l’effet du récit de sa cliente, en ne lui attribuant d’autre révélation que l’enthousiasme produit par les circonstances critiques où se trouvait la France.


« La France de Clovis, dans un camp renfermée,
« S’apprêtant à périr, mais à périr armée ;
« Orléans si fidèle, et les guerriers anglais
« Retrouvant dans ses murs les héros de Calais.
« Voilà, Juges, voilà quelle cause sacrée
« Arma la faible main d’une vierge inspirée.
« Oui, je le soutiendrai contre tous, en tout lieu,
« Celle qui rompt des fers vient de la part de Dieu. »


Enfin Jeanne elle-même ne parle de ses voix et de ses saintes qu’une seule fois. Partout ailleurs elle n’est qu’une femme forte ; elle demande la mort, elle que l’histoire nous montre pleurant à sa première blessure ; elle voit approcher le supplice avec fermeté en se rappelant ses exploits, elle qui, sur le bûcher fatal, poussa des gémissements et des sanglots, et ne fit entendre que le nom de Jésus.

Ce sont ces pleurs, ce sont ces gémissements, c’est cette faiblesse si naturelle à la jeune fille, et qui rehausserait si vivement