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un passage qui le prouve suffisamment : « Il n’y a personne, dit-il, qui vive de telle manière qu’il ne pèche quelquefois. Celui-là donc désire que la vérité soit plus aimée que lui-même, qui ne veut être épargné par personne au détriment de la vérité. C’est ainsi que Pierre reçut volontiers la correction de Paul[1]. »

On voit par ce passage de saint Grégoire que le Céphas repris par saint Paul était bien saint Pierre. Si saint Pierre était faillible et peccable, à quel titre ses prétendus successeurs veulent-ils être infaillibles ? Le pape saint Grégoire a-t-il fait une exception en faveur des évêques de Rome à la règle qu’il a établie ?

Saint Pierre était-il du moins chef de l’Église ? Saint Grégoire ne le pensait pas. On a pu en remarquer la preuve dans sa lettre à Jean, patriarche de Constantinople, traduite par nous précédemment. Nous en citerons de nouveau ce court passage : « Certainement Pierre, premier des apôtres et membre de l’Église sainte et universelle ; Paul, André, Jean, ne sont-ils pas les chefs de certains peuples ? et cependant tous sont membres sous un seul chef[2]. »

Il dit d’une manière positive et absolue que le Christ « est le seul, l’unique chef de l’Église[3]. » Il parle de l’Église comme d’un troupeau sous un seul pasteur[4]. Ces expressions sont absolues, et nous avons vainement cherché dans saint Grégoire un seul mot qui pût nous donner à penser qu’il se considérait, en qualité d’évêque de Rome, comme chef visible de l’Église. Nous avons surtout approfondi sa correspondance, où il pouvait mieux qu’ailleurs parler de ses droits, puisqu’il était souvent appelé à les défendre. Nous y avons rencontré des preuves que l’évêque de Rome exerçait certains droits sur des Églises particulières relevant de son patriarcat ; qu’il leur accordait des faveurs,

  1. Saint Grégoire, Règle pastorale, 2e partie, ch. 8.
  2. Lettres de saint Grégoire, liv. V, lettre 18e.
  3. Ibid., lettre 43e.
  4. Ibid.