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CHAPITRE Ie>. - LA JEUNE FILLE. 11 de la Bible et quelques vieux parchemins. Les bonnes sœurs ne manquaient point non plus de raconter aux petites filles quelques traits de la vie des saints ; et les plus extraordinaires étaient préférés, parce qu’ils intéressaient davantage et frappaient plus fort. Jeanne de La Motte écoutait avec avidité, et recevait dans l’âme une impression profonde ; le jour, elle pensait a ces choses ; la nuit, elle y rêvait : a cinq ans elle avait déjà des visions, comme sainte Thérèse. Elle s’était imaginé qu’on ne lui parlait de l’enfer que pour lui faire peur, « parce que j’étais, dit-elle, fort éveillée, et que j’avais de petites malices, auxquelles on donnait le nom d’esprit (1). » Mais, une nuit, elle vit une image de l’enfer si affreuse qu’elle ne l’oublia jamais : « Ma place m’y fut montrée, ce qui me fit pleurer amèrement et dire : « mon Dieu, si vous « vouliez bien me faire miséricorde et me donner quel- « ques jours de vie, je ne vous offenserais pins (2). » Jeanne, le lendemain, voulut aller h confesse. Sa maîtresse la porta dans ses bras et resta avec elle. « Elle fut fort étonnée d’entendre que je m’accusais d’avoir eu des pensées contre la foi ; et le confesseur se prenant à rire, me demanda ce que c’était. Je lui répondis que j’avais douté, jusqu’à présent, de l’enfer ; que je m’étais imaginé que ma maîtresse ne m’en par- lait que pour me rendre bonne, mais qu’à présent je n’en doutais plus. » La petite fille, à partir de ce moment, fut pieuse et (1) La Vie de M<^o J.-M.-B. de la Molhe-Guion (sic), écrite par elle- même. Cologne, 1720, 1« partie, chap. ii. (2) Ibid.