Depuis le premier jour de l’antique Semaine,
Depuis le premier-né qu’engendra son amour,
Un chœur inapaisé l’a suivi sans retour,
Plus nombreux, plus immense et plus intarissable
Que l’écroulement lourd des vagues sur le sable.
Éternel survivant des âges révolus,
L’Homme a lassé ses yeux du destin qui n’est plus.
Ancêtre, il a tout vu : sa race violente,
Maudite à son berceau, mauvaise et pullulante,
Et le mal triomphant et le crime impuni,
Et les essors brisés vers le rêve infini,
Et la haine et les pleurs et l’humanité lâche
Dans la nuit, au hasard, étreignant sans relâche
Les fantômes flottants de la Divinité.
Et voilà qu’à la fin vengeur et révolté,
Adam, le vieux témoin, grandissant sur l’abîme,
Fit jusqu’au firmament croître une ombre sublime.
Et le vent précurseur courut sur l’univers
Et balaya les os hors des tombeaux ouverts
Et, par l’écartement des livides nuées,
Dans un haut tourbillon de cendres refluées,
Chassa confusément le noir essaim des Dieux,
Tandis que, par degrés haussant jusques aux cieux
La majesté virile et morne de sa face,
Solitaire et géant, l’Homme emplissait l’espace.
Et les temps n’étaient plus.
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