Page:Guerne - Les Siècles morts, III, 1897.djvu/235

Cette page n’a pas encore été corrigée


Tout, la nature en fête et la Ville et l’Empire,
Trésors que l’œil pensif se lasse à dénombrer,
Tout ce qui charme, luit, s’épanouit, respire,
Naît pour vêtir sa gloire et vit pour l’adorer.

Mais voici qu’au doux bruit des ailes et des ondes,
Aux chants de l’aube éclos parmi la frondaison,
Le sourd frémissement des foules vagabondes
Se mêle dans l’aurore et monte à l’horizon.

Et soudain l’Augusta songe qu’il est des hommes
Dont le commun destin souffle les vains flambeaux,
Et que les murs vantés des Milans et des Romes
Sont des abris d’un jour bâtis sur des tombeaux.

Adieu, clarté naissante, allégresse première,
Limpides voluptés, formes, parfums, couleurs.
Adieu ! L’ombre future obscurcit la lumière ;
La mort, comme un aspic, a jailli dans les fleurs.

L’Augusta dans la nuit qui flotte en sa prunelle
Suit la fuite de l’heure et des sorts inconstants ;
Car vers l’instant fatal la clepsydre éternelle,
Sûre, lente, sans fin, pleure les pleurs du Temps.

En un pompeux cortège, aux murmures funèbres
Des moines de l’Euxin, son cadavre embaumé,
Couché sur la litière, ira vers les ténèbres,
Dans sa robe suprême à jamais enfermé.