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j’habite
La terre, et l'univers roule dans mon orbite.
Je suis le fauve amant des Nymphes au beau sein ;
J’aime ! Toutes ont fui ; mais j’entends leur essaim
Avec des rires brefs bourdonner dans les saules.
Je vois les blonds cheveux flotter sur les épaules,
Les bras étinceler et de furtifs éclairs
Teindre d’un sang humain le marbre pur des chairs,
Et sur les dos nacrés et sur les cuisses blanches
Jouer et rosir l’ombre indiscrète des branches.
Je guette ; les pins noirs me dérobent ; j’attends
La nuit complice et bonne aux désirs haletants,
Et je bondis. Clameurs d’effroi. Vous êtes douces,
O Nymphes ! Je suis Pan ! Vous fuyez ! Dans les mousses
Mon désir furieux galope sur vos pas.
Et la plus jeune, ô toi qui d’abord t’échappas !
Tombe captive et prête à ma rapide étreinte.
Une autre, une autre encor dans sa fuite est atteinte
Et délaissée. Ainsi je vais brusque, ingénu,
Lacérant la ceinture et baisant le sein nu,
Indifférent, pareil à la féconde haleine
Qui disperse le germe au hasard de la plaine.
Et c’est moi qui reviens, moi qui toujours poursuis
Les Filles de l’orage au fond des longues nuits
Et qui, jamais lassé, dressant ma forme brune,
Saute dans la clairière et danse au clair de lune,
Tandis que les pasteurs, gardiens des boucs barbus,
S’arrêtant pour me voir aux flancs des monts herbus,
Sentent un grand frisson courir sous leur tunique
Et naître dans leur cœur l’épouvante panique. —