Au désert les plus purs et les plus noirs de crimes,
L’anathème et l’absous, les bourreaux, les victimes,
Le riche au cœur scellé comme un grenier trop plein.
Et le juge vendu qui suppute en silence
Le poids d’or nécessaire à fausser la balance !
Au désert l’indigent, la veuve et l’orphelin I
Que tardez-vous ? Tranchez toute branche féconde ;
Ceignez vos reins ; qu’un fer impitoyable émonde
La chair coupable, ainsi qu’un arbre empoisonné.
Vous tous, ô fruits tardifs des baisers éphémères,
Qui de vos premiers pleurs avez maudit vos mères,
Cherchez la solitude aux lieux où l’homme est né !
Au désert, comme aux temps d’Antoine et de Macaire !
Contre l’éternité changeant un jour précaire,
Allez, de vos péchés doublant les talions,
Entrelaçant l’épine au crin de vos cilices
Et de la pénitence épuisant les délices,
De vos austérités effarer les lions !
Inclinés au seul joug des rudes disciplines,
Montez par le chemin des pauvretés divines,
Libres, transfigurés, vers les cieux aperçus,
Et qu’enfin, le meilleur s’immolant pour le pire,
L’âme qui vers la paix et la lumière aspire
Souffre et saigne sa vie et meure en Christ Jésus ! —
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