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Sur le tissu broché de ses fins vêtements
Un ouvrier subtil a, pour la courtisane,
Peint Aphrodite nue au bord des flots dormants.

Les fards teignent sa lèvre et sa peau diaphane ;
L’antimoine agrandit son œil ; sur ses cheveux
Flamboie insolemment la mitelle persane.

Telle fleurit un jour, belle et propice aux vœux,
Celle que, vierge encore, un chef Goth a surprise
Et fait crier d’angoisse entre ses bras nerveux.

Mais le soldat aimé la chasse et la méprise ;
Et voici que, le cœur rompu, le corps meurtri,
Elle a versé le philtre impur qui charme et grise.

Et tous, l’éphèbe ardent et le vieillard flétri,
Grec, barbare ou Romain, rhéteur et consulaire,
À sa lèvre lascive ont bu le vin fleuri.

Gladiateurs, cochers du cirque, pour lui plaire,
Ont combattu, volé, cueilli les palmes d’or
Et dans son lit obscène englouti leur salaire :

Tous les désirs vers elle ont hâté leur essor,
Tandis que, pleins de fièvre, au fond du crépuscule
Luisaient des yeux hagards qui la priaient encor.