Où donc est la déesse et la reine et l’orgueil
Des festins ? Les flambeaux ont roulé dans leur cendre ;
La nuit n’a plus d’aurore et le jour est en deuil.
La fille d’Aphrodite, hélas ! a laissé prendre,
Comme un poisson furtif par le pêcheur guetté,
Aux filets des chrétiens son cœur léger et tendre.
Beaux amants dont l’ivresse a tant de fois heurté
La porte hospitalière à la volupté prompte.
Vos fleurs se faneront devant l’huis déserté.
Vous ne reverrez plus, ô berges de l’Oronte,
La reine d’Antioche, aux bras des noirs porteurs,
Apparaître et passer demi-nue et sans honte !
Et vous, dont elle aima les murmures flatteurs,
O bosquets de Daphnè, lauriers, retraite verte,
Sources des bois sacrés, ô fleuve, ô flots chanteurs,
Pleurez ! Pleurez, Amours ! Antioche est déserte.
Nymphodora t’oublie, ô ciel qu’elle enivra
Du parfum de sa chair au Dieu récent offerte !
Le désert syrien garde Nymphodora.
La pécheresse en fuite a choisi sa cabane
Près de la grotte sombre où Sabbas expira.
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