Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/82

Cette page n’a pas encore été corrigée

Frêle, inquiet, borné, l’esprit humain végète
Dans une ombre mobile où les sensations
Ne sont que lueur fausse et fugaces rayons.
Quel mortel, tour à tour déçu par l’apparence,
À du Bien ou du Mal prouvé la différence ?
Quel marcheur indécis n’arrête enfin ses pas
Devant un gouffre noir qu’il ne franchira pas ?
Tel le sage, hésitant devant l’Inconnaissable,
Ne comprend rien, sinon que tout est périssable,
Obscur, et plus voilé dé nuages trompeurs
Que l’orageux Oita d’éternelles vapeurs.

Parle, interroge, écoute, enchaîne ou meus ta langue ;
Tente orgueilleusement d’arracher à la gangue
Quelques inertes grains du rare minerai,
De distinguer le faux dans les ombres du vrai :
C’est prendre un soin jaloux pour tourner la scytale.
Ton effort est sans but, ta vanité s’étale
Et tu prétends fonder un ferme jugement
Sur un sable mouillé qui cède incessamment.
Ta science, tes lois, ta raison, tes doctrines,
N’ont que l’infirmité des grenouilles gyrines.
Condamner, approuver, sentir, connaître, voir,
Autant vaut à l’aveugle offrir un clair miroir,
Expliquer à des sourds les oracles pythiques
Et du ceste plombé charger des poings étiques.