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Lacère avec des cris des peaux de léopards
Et de gestes moqueurs agace les Silènes
Sur leurs ventres plissés serrant des outres pleines.
Et le désir sans frein des Satyres cornus
S’irrite des baisers et des éphèbes nus,
Tandis que sur un char que traîne un blanc quadrige
Un phallus gigantesque et flamboyant érige,
Comme un pilier massif sur un socle planté,
Le bronze obscène et droit de sa rigidité.

Et le cortège va, revient, reflue, et roule
Dans le camp déserté l’ivresse de la foule,
La bacchanale énorme et le tréteau divin.
Tout hurle et se confond. La sueur et le vin
Coulent en flots fumants sur la terre rougie.
Et la tumultueuse et symbolique orgie,
De l’aube jusqu’au soir exultant sous les cieux,
Monte et s’arrête enfin au tertre radieux
Où le soleil mourant de ses dernières flèches
Crible le toit royal, tendu d’étoffes fraîches,
Et fait irradier l’entassement lointain
Des grands vases dressés aux tables du festin.

Alexandre descend du char ; la tente s’ouvre.
Du faîte éblouissant qu’un treillis d’or recouvre,
Dont cinquante piliers, arrondis et sculptés,
Soutiennent la coupole et les bois ajustés,
Tombent de lourds tapis sur les murs immobiles
Et des voiles légers où des brodeurs habiles