Dircé, c’était la nuit du Cortège, où les Mystes
Portaient vers Eleusis les torches et les pains.
La chouette pleurait dans l’épaisseur des pins ;
L’angoisse du mystère errait dans tes yeux tristes.
Près de moi, t’appuyant aux angles des tombeaux,
Tu contemplais au loin la route illuminée
Et la procession et la foule effrénée
Et l’enfant Iakkhos au milieu des flambeaux.
Alors, ô faible cœur dont Éros était maître !
O plaintes, ô soupirs, ô larmes, ô Dircé !
J’oubliai l'Eumolpide et le Dieu courroucé,
Gardien du grand secret que tu voulus connaître.
J’ai dit l’heure, le jour, les chemins et le lieu,
La colline où jaillit la source Kallichore,
Le Temple intérieur et l’autel que décore
Un groupe entrelacé, voilé d’un péplos bleu.
J’ai divulgué l’épreuve et la première orgie,
Où moi-même autrefois, vêtu de peaux de faons,
Mêlant le myrte sombre à mes cheveux bouffants,
J’ai de la Mère auguste adoré l’effigie.
Purifiés, joyeux, les Mystes étaient prêts,
Et tels que des chevreaux sautant d’un bond rapide,
Atteignaient tour à tour dans la clarté limpide
Le phallus florissant, pendu dans un cyprès.
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