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Là, sous tes pieds, Seigneur des pays, tu contemples
Comme un essaim vibrant ton peuple et ta cité,
Et l’amas éclatant des palais et des temples
Où dorment tous tes Dieux dans leur sérénité.

Ta ville énorme, ô Chef, déborde par ses rues.
Vois ; près des bords vaseux, de l’aube jusqu’au soir,
S’entassent, aux massifs épais de briques crues,
Les lits de roseaux secs sur le bitume noir.

Les radeaux arrondis qui flottent sur des outres
Abordent pesamment aux quais chargés de grains ;
Les captifs aux chantiers traînent les lourdes poutres,
Enchaînés par le col et des cordes aux reins.

Les rudes cavaliers, nombreux, de toutes races,
Au bruit des instruments, ceignent les glaives clairs,
Et sur la courte robe attachant les cuirasses,
Tourbillonnent sans fin dans un cercle d’éclairs.

Tout se confond, les bœufs épais aux cornes fières
Et les chameaux poudreux qui reviennent d’Ophir,
Et les chevaux, faisant sonner dans leurs crinières
Les plaques d’argent fin de leurs harnais de cuir.

Mais ton regard, ô Roi, comme un aigle qui plane.
Par delà l’horizon incandescent et bleu,
A vu s’épanouir sur le ciel diaphane
La rouge floraison des monuments en feu.