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Des fronts heurtés, un brusque et sourd piétinement,
Et des mufles baveux et des museaux difformes,
Des prunelles de flamme ouvertes fixement.

Horreur ! ils m’ont flairé comme une chose immonde ;
Le sang rougit ma cuisse et coule en longs ruisseaux.
Arrière ! C’est mon tour, ô bêtes ! ma faim gronde
Entre mes crocs, plus durs que ceux des lionceaux !

Va-t’en, chacal, va-t’en loin d’ici ! C’est ma proie,
Le chien mort desséché sous les soleils ardents ;
Je l’ai caché parmi les ronces, et je broie
Sa chair putréfiée où s’incrustent mes dents.

De grands oiseaux velus me frôlent de leurs ailes ;
La meute aux mille cris des carnassiers géants
Me poursuit ; et les becs aveuglant mes prunelles,
Je roule épouvanté dans des gouffres béants.

O Dieux vengeurs ! Je bois à longs traits l’eau saumâtre
Où le reptile glisse en un sillon fangeux !
Je meurs ! Mon corps pourrit sur la vase jaunâtre,
Abject et nu, parmi les joncs marécageux.

Nabou-koudour-ousour n’est plus. Sa chair, plus vile
Que les os dispersés de l’hyène et du bouc,
Ne baignera jamais dans le miel et dans l’huile
Et ne dormira pas dans les tombeaux d’Ourouk.