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Pourquoi devant le Trône, en posture servile,
N’ont-ils pas joint leurs mains et tressailli d’effroi ?
Ils ont fui. Je suis seul ! Babel, ma grande Ville,
Tient ses portes d’airain closes devant son Roi.

A moi tous mes guerriers, pleins de cris et de haines !
Durs vainqueurs d’Ouâbar et de Moušri, frappez !
Coiffez le casque rond et préparez les chaînes ;
Sur la pierre, aiguisez la courbe des harpes !

Vos mains ont agité la lance radieuse
Et la flèche a frémi sur la corde des arcs.
Irrité, j’ai poussé la course furieuse
Des chevaux de combat loin de l’ombre des parcs.

Babel ! entends les pas de mon armée en marche ;
Me voici, rugissant et fort comme un lion.
Je couperai le pont et je fendrai son arche,
Et je t’étoufferai dans ta rébellion.

Et tu verras, hurlant sous les toits qui s’écroulent,
Ramper tes derniers fils sur leurs genoux fauchés ;
Les mères, s’abreuvant des pleurs que leurs yeux roulent,
Bercer des enfants morts sur leurs seins arrachés.

Et tes vierges, en proie au rut des multitudes,
Se tordre et se voiler de leurs sombres cheveux,
En crachant de dégoût sous les étreintes rudes
Des soldats violents, hérissés et nerveux.