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LA LAMENTATION D’IŠTAR

Tout ce que fait s’unir, tout ce que multiplie
Le printemps, épandu sur la terre amollie,
Tout ce que la fureur du grand rut enflammait
Se cherchait, s’accouplait, était heureux, s’aimait.
Douzi rayonne ; il vit. Le souffle de sa bouche
Circule, emplit de sève, émeut, mûrit et couche,
Comme un interminable et frissonnant tapis,
La géante moisson des blés chargés d’épis.
Le millet étincelle et l’orge de ses lames
Assiège en ondulant des champs de hauts sésames,
Dont le sol ébloui jette la floraison
Jusqu’aux bois de palmiers qui ferment l’horizon.

Mais plus riche, plus vaste et plus superbe encore,
Ceinte de son rempart triple et multicolore,
La Demeure des Dieux, leur orgueil et leur cœur,
Babilou surgissait aux yeux du Dieu vainqueur.
Et par-dessus le mur aux cent portes dorées,
Comme une éclosion de fleurs démesurées,
Les Pyramides d’or, les temples rutilants,
Les sanctuaires peints, aux toits étincelants
Dont le cuivre et le plomb allumaient les faîtages,
Dans l’azur embrasé plongeaient leurs sept étages.
Et successivement quand le jour les frappa,
De la Cité Royale aux murs de Borsippa
Comme de hauts sommets dont s’allonge la chaîne,
Les dômes, émergeant de la clarté soudaine,
Pareils à des volcans par la flamme empourprés,
Lancèrent tour à tour de degrés en degrés