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LES SIÈCLES MORTS

Le cours étincelant de leurs flots rassemblés
Jusqu’à la Mer antique où le Soleil se lève,
S’élargissaient, rongeaient les sables de la grève,
Et, comme deux métaux dans le four d’un fondeur,
Mêlaient leurs nappes d’or et leur double splendeur.
Le Perath débordé, parmi l’herbe et les glaises,
Reflétait l’incendie aux parois des falaises.
Les canaux réguliers, bordés de noirs buissons,
Larges et trop remplis, luisaient dans les moissons ;
Et leurs ondes d’argent, écumant aux barrages,
D’un réseau de cristal coupaient les pâturages
Où de grands cerfs rameux, suivis de jeunes faons,
Bramaient et bondissaient autour des éléphants.
Enivrés et repus, vautrés en longues files,
Sur le sable mouillé bâillaient des crocodiles ;
Et plus proches, du fond des marais khaldéens
Qui fumaient, hérissés de joncs paludéens,
Par bandes s’élançaient des sangliers sauvages
Dont les grognements sourds faisaient sur les rivages,
Parmi les dards aigus et les roseaux piquants,
Bruire au loin le vol épais des pélicans.
Dans les champs où fuyaient de grandes ombres d’ailes,
Plus rapides encor, des troupeaux de gazelles
Couraient, dont le poil roux se teignait des couleurs
Des pistils fécondés dans les herbes en fleurs.
Et fauves du désert et lions dans la geôle,
Ce qui hurle, rugit, brame, glapit, miaule,
Tous les aigles de l’air, tous les oiseaux légers
Qui vont se poursuivant dans les bois d’orangers,