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LES SIÈCLES MORTS

Sous le ciel obscurci traînent leurs masses noires.
Les Dieux des Prêtres-Rois, chassés vers le midi
Où meurt le flot vaseux de la mer de Khaldi,
Regagnaient d’un élan formidable et sans balte
Les temples étages où des blocs de basalte
Sculptés et jusqu’en bas pleins de signes écrits,
Depuis le dernier soir, attendaient les Esprits.

Et les Dieux d’Aq’harrou sur des barques rapides,
Joyeux navigateurs, fendaient les cieux limpides
Et nageaient dans l’air bleu vers les temples sereins,
Ornés de peaux, de mâts et d’avirons marins.
D’autres, le corps gonflé de flammes et de braises,
Rougissaient l’horizon de reflets de fournaises.
En couples enlacés, d’un vol plus ralenti,
Vers les bosquets en fleurs les Seigneurs de’Hatti,
Suivant la route vague où tournoyaient des roses,
Saluaient le réveil des voluptés écloses
Et revoyaient l’enceinte où les prostitués
Enervés et lascifs, d’amour exténués,
Chiens vils, dispensateurs de stériles caresses,
Soupirent, ignorant les baisers des prêtresses.

Les blocs abrupts, naguère effroi des déserts blancs,
Palpitent, sentent presque à leurs énormes flancs,
Comme à de noirs aiglons, pousser de rudes ailes,
S’élèvent ; et leur fuite a semé d’étincelles
Le sable illimité qui s’embrase autour d’eux,
Et du ciel se soulève et se fend. Deux par deux