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LES SIÈCLES MORTS

Et le baise, et jalouse, éclatante et ravie,
Crie, avant tous les Dieux : — Salut, Fils de la Vie ! —
Les joyeuses clameurs et les chants enivrés
Répondent, ébranlant sous les plafonds sacrés
Les revêtements d’or des portes colossales,
Dont les battants, pareils aux vibrantes cymbales,
Se heurtent l’un à l’autre et s’ouvrent en grondant.
Šamaš se lève et marche. Autour du trône ardent
Sa flamme en crépitant se réveille et flamboie.
Il s’avance. Sa robe, aux plis d’or et de soie,
Traîne sur son passage en sillons embrasés.
De sa barbe en anneaux, de ses cheveux frisés,
De sa haute tiare où germe la lumière,
S’échappe et s’élargit la splendeur coutumière.
Il passe ; et par degrés le Temple devant lui,
Du pavé constellé jusqu’au faîte ébloui,
S’illumine, rayonne, éclate et se colore
De feux multipliés et de clartés d’aurore.
Simulacres, autels, trônes, linteaux, piliers,
Tels que de grands flambeaux, s’allument par milliers.
Hors des lotus ouverts et des cœurs de grenades
Sculptés en chapiteaux au front des colonnades,
Eclosent brusquement de rutilantes fleurs
Dont l’émail des parois réfléchit les couleurs.
Et l’antique Soleil, comme un roi dans la foule,
Marche ; son pied de feu sur le pavé qu’il foule
Laisse une rouge empreinte et dévore en passant
Le lit abandonné du Pasteur renaissant.
Et la flamme solaire en tourbillons s’envole,