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LA LAMENTATION D’IŠTAR

Comme des rayons d’or dans l’océan des nues,
La flamme primitive et les clartés connues
Et foule avec Ištar, ô Maître glorieux,
La Montagne du Nord où sont les anciens Dieux ! —


III


Elle dit. Et soudain, sans force, inanimée,
Au bord du lit funèbre où traînait la fumée
Des torches de résine et des flambeaux éteints,
Muette, trébuchant sur ses pieds incertains,
Ištar s’affaisse et gît près du cadavre pâle.
Aussitôt, des parois à l’entour de la salle,
Des recoins, submergés par la nuit, du pavé,
Des escaliers, des tours et du dôme crevé,
Des lieux du sacrifice et de la chambre occulte,
Tous les Dieux déchaînés surgirent en tumulte.
Plus pressés, plus nombreux et plus retentissants
Qu’une antique forêt de pins, sur les versants
De l’Ourarthou neigeux où grondent les tempêtes,
Se mêlaient au hasard de grands profils de bêtes,
Des torses monstrueux, des mufles et des fronts,
Des faces de taureaux où luisaient des yeux ronds,
Des visages divins creusés par l’épouvante,
Toute la multitude innombrable et mouvante
Qui se ruait ensemble et qu’un vent violent
Semblait pousser de l’ombre autour du lit sanglant.