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LA LAMENTATION D’IŠTAR

J’ai tourné mon espoir et j’ai voulu descendre.

Ouvrez-vous pour Ištar, noirs chemins, dont la cendre
Couvre en tourbillonnant le pavé sépulcral !
Et toi, sombre Gardien des portes de l’Aral,
Geôlier du seuil farouche et de l’exil barbare,
Fais glisser devant moi les verrous et la barre ;
Sinon, forçant le mur, j’arracherai ses clous,
Et les morts affranchis, semblables à des loups,
Par la brèche échappés des lugubres royaumes,
Au peuple des vivants mêleront leurs fantômes.
Je t’implore, ô Maîtresse ! Allât ! Reine des Dieux !
Fuyant la terre sourde et le ciel odieux,
Je viens vers toi. Ma chair sera ma nourriture,
Et je boirai le sang de ma propre blessure,
Dans la fangeuse horreur des gouffres meurtriers.
Je me lamenterai sur les pâles guerriers
Dont mon épieu massif brisa les forteresses ;
Sur les vierges en deuil, voilant de longues tresses
Un front que nul époux n’a jamais profané ;
Et, coulant plus amer sur le beau Nouveau-né,
L’unique Rejeton, fauché dès son aurore
Comme un frêle arbrisseau dont la fleur vient d’éclore,
Le torrent de mes pleurs débordera l’Enfer !
Et ma sœur répondit : — Gardien du seuil de fer,
Quelle voix a troublé la torpeur souterraine ?
La colère d’Ištar est comme la gangrène
Qui ronge ma poitrine et dévore mes reins.
Sa fureur est un mal contagieux. Je crains