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LES SIÈCLES MORTS

L’universel désir, l’insatiable ivresse
Rongeaient mon cœur céleste et ma chair de Déesse.
Lasse enfin d’évoquer l'inoublié Douzi,
J’allai flairant ma proie et mes bras ont saisi,
Fantômes mensongers de sa forme incertaine,
De terrestres amants que poursuivait ma haine.
Des ongles et du bec, un aigle ensorcelé
A scellé son amour sur mon corps étoile.
Mais le vent a vanné les plumes de ses ailes,
Ses ongles par morceaux et son bec en parcelles.
Sept par sept, j’arrachai les griffes et les dents
D’un lion, terrassé sous mes pieds imprudents.
J’ai dompté, par un piège et par des maléfices,
Le cheval de combat, le cheval aux poils lisses,
L’étalon vigoureux, dont le rigide assaut
D’un rude accouplement m’éveillait en sursaut,
Hurlante et polluée, et jamais satisfaite.
Mais j’ai rompu sa force et j’ai courbé sa tête
Par la course, la faim, le breuvage et le fouet.
Le berger des troupeaux, l’enfant qui dénouait,
En m’offrant ses brebis, ma ceinture éclatante,
Le pâtre émasculé s’est enfui de ma tente
Comme un cerf aux abois hâtant ses bonds fiévreux,
Poursuivi par ses chiens et dévoré par eux.

Ainsi, d’un vil cortège à la piste suivie,
Pareille à la femelle encore inassouvie,
Ô Dieux ! je languissais loin du Fils bien aimé,
Quand je tournai mon œil vers le Héros armé.