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LA LAMENTATION D’IŠTAR

Vents qui dans les marais ridez les eaux putrides,
Soufflez sur l’univers, Esprits des Vents arides !
Vous ne hennirez plus, ô chevaux attelés !
Comme à l’heure où, livrant vos crins échevelés
Aux frissons belliqueux des anciennes victoires,
Vers le ciel des combats, rayé de flèches noires,
Loin des temples d’Assour vous emportiez mon char.
Et vous, Lions puissants, dont le pied nu d’Ištar
Foulait le dos robuste et la noble crinière,
Puisque les pleurs tombés des yeux de la Guerrière
Ont coulé longuement sur vos mufles poilus.
Lions, gardiens d’Ištar, vous ne rugirez plus !
Mais vous, Dieux étrangers, Dieux inconnus, Dieux frères.
Dieux qui pleurez Douzi dans les nuits funéraires,
Cortège inattendu des Dieux, écoutez-moi !

Malheur ! Malheur ! Ô Soir lamentable ! L’effroi
A dévoré la chair de l’immortelle Amante
Et brisé le rempart de mon âme où fermente,
Comme en un cellier creux, le vin de ma douleur.
Mon cœur s’est abreuvé dans le puits du malheur ;
Le vase est en morceaux et l’outre m’est ravie
Où bouillonnait la source antique de la Vie.
Dans l’Aral ténébreux, dans la Maison des morts,
Les Eaux de pestilence ont inondé mon corps.
Mes lèvres oublieront les baisers d’autres lèvres,
Et mes bras desséchés, brûlés de vaines fièvres,
Mes bras où j’enfermais l’amour universel,
La volupté du monde et les ardeurs du Ciel,