Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/40

Cette page n’a pas encore été corrigée
20
LES SIÈCLES MORTS

Et Goula sidérale et les Esprits d’étoiles,
Et la funèbre Allât qui couvre de ses voiles
Le Pays sans retour où descendent les morts.
Puis, confus, bousculés et mêlant leurs essors,
Dans le vent plus rapide erraient les vieux Génies,
Les monstres au front d’homme, aux quatre ailes unies,
Les grands taureaux mitres dont la barbe en rouleaux
Sur un poitrail massif ruisselle en vastes flots ;
Et ceux qui, présentant le fruit et la corbeille,
Gardiens du songe heureux, protecteurs de la veille,
Avec un regard d’aigle ont un bec carnassier.
Et tout cela, grands Dieux, Monstres, bétail grossier
Dressé, depuis les temps, au seuil des portes lourdes,
Pêle-mêle emporté, joignait ses rumeurs sourdes
Au tumulte des vents sur l’antique univers,
Et loin du sol choisi, loin des temples ouverts,
Sans fin vers Babilou fuyait dans la tempête.

Comme un appel vibrant qu’un long écho répète,
La Voix pleurait toujours dans le ciel assombri,
Et, plus désespéré, l’interminable cri
Allait s’élargissant jusqu’aux confins du monde,
Aux bords occidentaux où la mer furibonde
Qui se gonfle, se creuse et s’ouvre comme un trou,
Entraîne en les brisant les barques d’Aq’harrou.
Les lamentations sans trêves et sauvages
S’enflaient ; et les flots noirs hurlaient, et les rivages
À la clameur d’Arvad unissaient tour à tour
La clameur de Zidôn et la clameur de Zour.