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LES SIÈCLES MORTS

Dans la mouvante nuit étageaient par degrés
L’amas pyramidal de leurs chambres sublimes.
Mais seul, comme un sommet dominant d’autres cimes.
Le temple de Šamaš, au long de ses parois,
Par les grilles de bronze et sous les seuils étroits,
Laissait, du sanctuaire où le Soleil habite,
Filtrer des jets de flamme et de clarté subite,
Où surgissaient en blocs monstrueux et confus
Des simulacres d’or sur d’innombrables fûts,
Des Dieux armés de dards, foulant des bêtes mortes,
Des formes de taureaux barrant de larges portes
Et de grands bas-reliefs où, dans leurs becs aigus,
Des vautours emportaient des têtes de vaincus.
Et les plus vieux palmiers tremblaient. La violence
Du vent s’exaspérant dans le vaste silence,
Ainsi que des fétus, les courbait jusqu’au sol.
Les nocturnes oiseaux, chavirés dans leur vol,
Retombaient lourdement avec des bruits funèbres ;
Et tigres et lions, rasés dans les ténèbres,
D’un souffle de terreur emplissaient leur prison.

Mais voici que soudain, du fond de l’horizon
Immense, déchirant la nuit du ciel antique
D’un grondement d’orage et d’un cri fatidique,
Une voix qui hurlait dans la foudre et le vent
Répéta par trois fois : — Douzi n’est plus vivant !
Il est mort ! Il est mort, le Dieu Fils de la Vie !
Pleurez sur le Dieu jeune, ô Dieux que je convie !
Pleurez, Dieux des pays ! ô Dieux du monde entier,