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Il a vu s’accomplir le sinistre présage ;
Il a vu les chameaux éventrés par milliers,
Les chariots de guerre arrêtés au passage,
Les archers sans carquois détourner leur visage,
Fléchir les Immortels et fuir les Cavaliers ;

Il a vu ses trésors et ses fils et ses femmes
Et le sceptre royal, les colliers à trois rangs,
Et ses robes de pourpre aux éclatantes trames,
Et ses vases d’or pur, livrés aux mains infâmes,
Partagés, dans l’opprobre, entre les conquérants.

Hier encor, parmi les foules accroupies,
Il trônait, rayonnant comme un dieu sur l’autel.
Au bord de son chemin, des nations impies
Se tordaient sur des croix, et les Vingt Satrapies
Étaient le piédestal du Maître universel.

Il régnait sur Assour ; le Dadyce féroce,
Le rude Mycien, le Mède épouvanté,
L’Egypte et Saparda, Tyr et la Gappadoce,
Au cœur du Disque ailé, sentaient le Dieu colosse,
Auramazdâ, planant sur l’univers dompté.

Aux parois des palais, sur les rochers sauvages,
Partout, du sud au nord, où le guidait son Dieu,
Il gravait sa mémoire et sculptait ses images,
Tandis que, recueillant le bois séché, les Mages
Allumaient sur l’autel l’inextinguible feu.