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Telle qu’un lever d’astre au ciel crépusculaire,
Jaillit l’impérissable et jeune Humanité.

Sans forces, sans espoir, pour quelque temps dompté,
Le Meurtrier s’enfuit. Et les siècles passèrent.
Beaux, puissants, abrités parles monts qu’ils creusèrent,
Sous le ciel favorable où rayonnait le jour,
Les hommes confiants pullulaient dans l’amour,
Et, débordant au loin les régions heureuses,
Multipliaient l’essaim des races vigoureuses.
Les ânes, les chevaux, les chèvres, les grands bœufs,
Bondissaient librement dans les enclos herbeux,
Pendant que, l’œil ouvert, près de la multitude,
Les chiens, gardiens sacrés, hérissaient leur poil rude.
Tel fut l’accroissement des vivants, si nombreux
Que le monde créé fut trop étroit pour eux,
Comme une enceinte close où le peuple s’écrase.
Les bêtes, au hasard broutant une herbe rase,
Maigrissaient, et la terre enfantait sous leurs pas
De quadruples moissons et ne suffisait pas.
Ce fut alors, ô saint Zarathoustra !

                                                            Le sage
Et brillant Yïma, le Pasteur au visage
Plus beau que le soleil sur les monts apparu,
Vivait, et son royaume, au loin toujours accru
Jusqu’aux bleus horizons qu’ont désertés vos pères,
Regorgeait de chevaux et de troupeaux prospères.
Je l’appelai : — Très-pur que ma bonté forma,