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Les sources, abreuvant au loin les herbes sèches,
D’elles-mêmes erraient en des canaux épars.
Les arbres, lourds de fruits, offraient de toutes parts,
Pressés et débordant ainsi que des corbeilles,
Le savoureux fardeau de leurs grappes vermeilles ;
Et les champs étages et les prés toujours verts
D’un manteau frémissant abritaient l’univers.

Mais sur la terre vierge ou dans le ciel sonore
Rien n’avait palpité, rien ne vivait encore.
Des vallons inconnus aux fertiles sommets
Nul souffle intelligent n’avait couru jamais.
La sève originelle, âpre et comme inféconde,
Fermentait vainement dans le désert du monde,
Quand, le frappant du pied, gonflant son large col,
Le Taureau primitif conquit le nouveau sol.
Unique, seul vivant et créé sans matière,
Le mystique Taureau foula la terre entière,
But l’eau des lacs d’azur à l’abri des forêts,
Dans l’herbe gigantesque entra jusqu’aux jarrets,
Tandis que, sans tarir, le flot de sa semence
S’épanchait au hasard sur la nature immense.
Enfin, toujours fécond, pensif, jamais lassé,
Dans ma volonté ferme, ô Juste ! je plaçai,
Comme au plus haut sommet de mon œuvre complète,
L’Homme, ancêtre des Purs, sur la terre parfaite.

Or les Dieux bienfaisants et les Saints Immortels
Régnaient et dirigeaient les