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Il rit. Les troupeaux lents et repus d’herbe grasse,
Les bêtes des forêts, l’arbre au feuillage épais,
Toute la terre immense où germe et croît la race
Des Aryas pasteurs, dans l’amour et la paix ;

Et tout ce que Mazdâ créa dans l’étendue,
Le monde corporel, le ciel, tout a frémi,
Quand ce rire, flottant sur la bouche attendue,
Fut comme un vent léger sur un lac endormi.

Mais seuls, accélérant leur course vagabonde,
Ivres, jaloux, lascifs, menteurs, toujours vaincus,
Les Dévas, dont la lèvre abjecte bave et gronde,
Vers le berceau divin tendent leurs doigts aigus.

Là gît l’Enfant sauveur, inerte, faible encore,
Zarathoustra, prophète et justicier futur,
Qui les flagellera du fouet âpre et sonore
De la Prière, unie au Sacrifice pur ;

Celui dont la semence, après lés mille années,
Engendrera le Chef incorruptible et fort
Qui, balayant au loin les races condamnées,
Refermera sur eux les portes de la mort.

Qu’il meure ! Et les Dévas, hurlants et pleins de joie,
Les sombres Ravageurs, les nocturnes Jaloux,
Au désert du couchant traînent comme une proie
Le Nouveau-né promis, qu’ont épargné les loups.