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Au milieu des éclairs, parmi les tourbillons,
Dans la houleuse écume ouvraient de blancs sillons,
Abd-Eschmoun confiant, debout sur son navire,
Semblait le Roi-dompteur d’un furieux empire,
Et, toujours vers le nord tournant ses calmes yeux,
Cherchait l’étoile fixe et suppliait les Dieux.

Alors vous m’entendiez, ô Puissants ! Gad-Fortune !
Toi, Reine Baalath, Dame des Cieux, ô Lune !
Eschmoun préservateur ! Dieux marins f Mais voici
Que maintenant, vieillard en proie au noir souci,
Ruiné, pauvre et vil, désespéré, je verse
Des pleurs sans fin. Mon bien, mes trésors, mon commerce,
Le séculaire honneur d’un glorieux trafic,
Hélas ! tout m’abandonne, et l’opprobre public
Entre dans la maison qu’Abd-Eschmoun a bâtie.
Cependant n’ai-je point payé la chair rôtie,
L’holocauste du bœuf, le don du chevreau vif,
L’offrande du bélier, selon l’ancien tarif
Gravé, sur une stèle, à la porte des temples ?
Quel autre a suspendu des couronnes plus amples
Aux murs du sanctuaire et, le jour du départ,
Au sacrificateur laissé plus large part ?
Que de schéqels sonnants et que de doubles mines,
Que de lingots, ravis aux ténèbres des mines,
Que d’éphas de blé mûr, de baths d’huile ou de vin,
O Dieux ! à vos autels j’aurais portés en vain,
Si, toujours dédaignée et lassant votre oreille,
La voix du serviteur est stérile et pareille