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Pareil au loup chasseur qui rôde vers le soir,
Aux brèches de ta Ville il est venu s’asseoir,
Le Khaldéen armé qu’a poussé ta colère ;
Et comme un moissonneur moissonnant ta moisson,
Le faucheur de Schinar, au seuil de ta maison,
Sur ses genoux sanglants a compté son salaire.

Il a levé son arc et ton bras l’a roidi.
Ta fureur, l’enivrant comme un vin d’En-guédi,
L’a choisi pour le meurtre, élu pour la blessure.
Toi-même contre nous as cuirassé ses reins,
Forgé le bouclier et le glaive et les freins,
Et rempli son carquois et lié sa chaussure.

Et voici que ton peuple est comme un bœuf chassé
Du pâturage antique où tu l’as engraissé.
Ses Princes au désert ont bu les eaux putrides
Et ses Rois, à prix d’or, acheté leur pain dur,
Tandis que les vieillards, couchés au pied du mur,
De pleurs silencieux baignaient leurs âpres rides.

Les vierges, près du Fleuve, assises sur ses bords,
Aux saules inclinés suspendent lés kinnors,
Les tympanons ronflants et les harpes mystiques ;
Ou, se tordant les bras au festin du vainqueur,
Eveillent, dans le bruit et le rire moqueur,
L’écho plaintif et doux de leurs anciens cantiques.