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Du haut de la montagne il a vu la Cité ;
Il a vu s’échapper et fuir en liberté,
Aux pentes de Millo, les boucs expiatoires ;
Il a vu s’effondrer les rugueuses parois
Des chambres d’Ir-David, tombeaux des anciens Rois,
Et les piliers fumer, tels que des torches noires.

Il a vu la colline où le glaive d’Assour
A fauché le Portique et le Temple et la Tour
Comme un champ de blé mûr ; et dans sa course vaine
Le Qidrôn emporter les restes des remparts,
Et plus loin, vers le sud, sous les figuiers épars,
Les eaux de Schiloah se tarir dans la plaine.

Et dans la solitude obscure, çà et là,
Du vallon de Hinnôm au sommet de l’Ophla,
Les bêtes de la nuit sortaient de leurs repaires.
Alors sur la ruine, en son affliction,
Le Prophète a crié vers le Dieu de Ziôn,
Le Zebaoth jaloux qu’ont adoré ses pères :

— Malheur que le Prophète a vu sur Israël.
Jusques à quand, Seigneur ! t’appellerai-je ? Et tel
Que sur son piédestal une immobile idole,
Resteras-tu sans voix pour ton peuple souffrant ?
Seigneur, quand feras-tu, contre le Conquérant,
Eclater ton orage et tonner ta parole ?