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e ma main
Que miettes de poussière et cendre insaisissable,
J’ai vu que la science était pareille au sable
Sans trêve balayé dans le désert mouvant,
Et que tout, sous le ciel, était pâture au vent.
Du jour où je suis né, j’ai marché dans ma voie.
Comme un cerf altéré, j’ai tendu vers la joie
Mes lèvres qu’enivrait le vin des voluptés,
O mon peuple ! Et l’ivresse et les plaisirs goûtés
Sur ma langue ont laissé l’amertume, et leur lie
Souille l’acre liqueur dont ma coupe est remplie.
L’homme hésite, ignorant le but de ses travaux ;
Le fils d’Adam se lasse à des labeurs nouveaux.
Mais j’ai dit en mon cœur, moi Schelomo : — Qu’importe
La future avenue où s’ouvrira la porte ?
Bâtissons ! Car je veux que mon nom souverain
Et que mon sceau royal, dans la pierre ou l’airain,
Pour les temps à venir enfoncent leurs empreintes.
Je bâtirai des murs, des villes, des enceintes,
Des palais crénelés et de vastes maisons,
Hautes comme des tours sur les bleus horizons,
Des demeures de cèdre et de cyprès, des chambres
Avec des lits de pourpre, où, reposant mes membres,
Je dormirai, veillé par un esclave noir.
Je planterai des parcs où je viendrai m’asseoir,
Et de mes frais jardins, à l’ombre des platanes,
Je verrai jusqu’à moi monter les caravanes
De mes chameaux sans nombre, à leur retour d’Ophir ;
Et l’eau, parmi les fleurs d’argent et de saphir,