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Des lambeaux de chair rouge aux cicatrices fraîches.
Livide, épouvanté sous l’averse des flèches,
Trébuchant sur les morts, Sisera s’est enfui.
Et comme des vautours acharnés après lui,
L’enfermant peu à peu de leur cercle vorace,
Les Terreurs d’Iahvé s’envolent sur sa trace.
Baraq, l’épée au poing, le presse avec des cris ;
Sur les rochers aigus saignent ses pieds meurtris.
Il fuit vers Çaanim où, près des eaux profondes,
Héber avait en paix dressé ses tentes rondes,
Et sous l’œil d’Elohim conduisait ses troupeaux
De chèvres, de brebis, de bœufs et de chameaux.
Les femmes, en rentrant, portaient de grandes jattes
Débordantes de lait, ou, sur des pierres plates,
Allumaient, vers le soir, les foyers coutumiers
Et, lasses, s’adossant aux troncs des noirs palmiers,
Cuisaient la chair des veaux et les pains de farine.

Seule et grave, à l’écart, croisant sur sa poitrine
Ses bras puissants, cerclés de bracelets de fer,
Devant sa tente, Iaël, la femme de Héber,
Est debout. Son cœur mâle est joyeux ; elle écoute
La confuse rumeur de l’armée en déroute
Et regarde là-bas, de son œil fixe et dur,
Rougir, comme une aurore, au fond du ciel obscur,
Le sombre flamboiement de l’immense incendie.
Mais tout à coup près d’elle, immobile et roidie
D’horreur, devant le spectre apparu brusquement,
Sisera tend les bras et tombe en écumant.