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Un long cri d’épouvante est monté dans l’espace.
Mais le feu brusquement, comme un éclair qui passe,
Jaillit de toutes parts, déborde les fossés,
Rampe et siffle à travers les pieux entrelacés,
Lèche la palissade et l’étreint et l’embrase,
Et, comme un tourbillon, s’acharne et mord la base
Et les noirs escaliers des hautes tours de bois.
Au-dessus du tumulte et des cris et des voix
Suppliantes et des clameurs vaines des femmes,
Des rauques hurlements des blessés dans les flammes,
Rugissait la mêlée atroce, avec le bruit
D’un vent tempétueux qui ronfle dans la nuit.
Les pierres, qui heurtaient les cuirasses d’écailles,
Volaient, comme la grêle, au loin, rompant les mailles
Des lourds casques d’airain sur les fronts entrouverts.
Comme les faux, traçant, aux flancs des coteaux verts,
De plus larges sillons dans les herbes couchées,
Tels les grands chars ouvraient de sanglantes tranchées
Dans les rangs confondus où roulaient par miniers
Les chevaux furieux avec leurs cavaliers.
L’armée, abandonnant au feu qui les dévore
Ses Élohim vaincus, vers le Qischon sonore
Se précipite, fuit, s’écrase ; et le torrent
Aux berges de granit traîne en les déchirant
Des corps décapités vers la mer inconnue.

Sisera jette au loin son glaive et, tête nue,
S’élance hors du char, dont les chevaux cabrés
S’effarent, arrachant de leurs sabots dorés