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de ma race prospère
Je suis venu m’asseoir où s’asseyait mon père.
O vous dont ma honte prévoyait les besoins,
Abandonnés, souffrants, pauvres, soyez témoins !
Quel parent, quel ami, quel étranger, redresse
Comme un reproche ancien sa face et sa détresse ?
Ai-je, multipliant l’effort des travailleurs,
Fait rouler dans leurs yeux le flot amer des pleurs ?
Du fouet et du bâton l’excitant sans relâche,
Pour l’esclave trop faible exagéré la tâche,
Et dans les durs chemins, d’un fardeau trop pesant
Chargé le bœuf paisible ou l’âne obéissant ?
Ai-je dans les enclos, sans compter, loin des crèches,
Dispersé le foin vert, l’orge et les pailles sèches,
Dérobé la génisse aux troupeaux des bouviers,
Ou, tendant mes filets à travers les viviers,
Péché des poissons morts dans les mailles confuses,
Et, nocturne voleur, par pièges et par ruses
Pris le bétail du temple ou les oiseaux des Dieux ?
Maître du sol royal, dans la ville, en tous lieux,
J’ai respecté la borne et marqué les clôtures.
Je n’ai pas fait couler par d’autres ouvertures
L’eau des canaux voisins sur mon champ personnel,
Ni détourné le cours du Fleuve originel,
Ou, fraudant l’acheteur, aux balances publiques
Faussé le poids légal des anneaux métalliques.
Je n’ai jamais pillé les viandes ou les pains ;
Ni, brisant les parois des sarcophages peints
Et profanant les morts de mes mains ennemies,
Arraché leurs bandeaux aux membres des momies.