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Vers la rive où, bercé par le flot éclatant,
Le céleste vaisseau se balance et l’attend.
O toi, Barque du Noun, que l’Osiris appelle :
— Maître des deux pays, au fond de la chapelle, —
Toi qui le repoussais avant qu’il te nommât
Les noms du gouvernail, de la poupe et du mât,
O Barque ! Neb-Seni brandit la rame et passe,
Navigateur certain, dans le sublime espace.
Il attache les plis de ta voilure en feu ;
Compagnon des rameurs, assis aux pieds du Dieu,
Il précède le Disque et tient en équilibre
Dans le ciel du désert l’Œil flamboyant où vibre
L’éclair mystérieux du foyer inconnu.
Parmi les papyrus il aborde au sol nu ;
Et soudain, comme un prince entrant dans son domaine,
Il voit, presque vivants d’une existence humaine,
Ceints d’un rempart de fer au magique verrou,
Fleurir les champs d’azur des vallons d’Aarou.

Entre l’écartement des monstrueux pilônes
Jusqu’aux bleus horizons s’enfonçaient les vingt zones
Où les morts bienheureux, de leurs bras délivrés,
Cultivaient le sol noir des champs inexplorés.
Comme un fleuve d’argent, sous des papyrus grêles
Et des tiges de joncs qui bruissaient entre elles,
Quand les fouettait soudain l’aile en feu d’un flamant,
Le Nil céleste errait autour du Firmament,
Et par mille canaux, à travers les vallées,
Versant l’eau pacifique aux plaines ondulées,
Baignait les perséas et