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lui ; ses yeux ne sont plus clos.
Tels que les flots gonflés vont succédant aux flots
En mêlant leur écume, aux pieds des caps énormes,
Il voit se dérouler les êtres et les formes ;
Et lui-même, unissant son esprit et sa chair
A la substance unique, aux souffles purs de l’air,
Se transfigure au sein de la Vie éternelle.
Il plane, épervier d’or abritant sous son aile
Le cercueil ténébreux du divin Mutilé ;
Il est le Chef des Chefs sur le trône étoile,
Le phœnix qui s’envole et l’échassier qui longe
Les bords marécageux de la Mer du Mensonge,
Le poisson révélé par l’Horus de Kem-our
Et le monstre établi sur la terreur du jour.
Il circule, il agit, il chante, aboie et glousse ;
Et dans le ciel de l’Ouest, baigné de clarté douce,
S’ouvrant comme une plante, épanoui, pareil
Au lotus fleurissant dans le champ du Soleil,
Il fait croître et mûrir entre ses pistils roses
La semence des Dieux et les germes des choses.

C’est l’heure. O régions ! Plaines du Nouter-Kher !
Vallons de l’Amenti ! Séjour aux murs de fer,
Canaux, bassins de flamme où le Défunt s’abreuve,
Neb-Seni s’est levé pour la suprême épreuve.
Il se hâte ; sa main tient le livre secret
Que Thot a déposé dans le profond coffret.
L’Intelligent, c’est lui. Le Dieu de la Palette
Le guide, à travers l’ombre et la nuit violette,