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Qu’il ne s’éloigne pas, qu’il demeure à sa place,
Le mort silencieux qu’un triple voile enlace.
O vous qui reverrez le seuil de vos maisons,
Ne hâtez point vos pas vers d’autres horizons ;
Attendez ! Mais, hélas ! la barque Osirienne
Emporte loin d’ici son âme avec la mienne ;
Il part ! Vers l’occident et l’impalpable lieu
Tu navigues, parfait, dans le vaisseau du Dieu,
Pour aborder au port de la double Justice,
O toi, vivant hier, véridique et sans vice !
Toi que servaient jadis des esclaves nombreux,
Oublié, sans escorte, abandonné par eux,
Parcours, ô Voyageur, la grande solitude !
Tes pieds, liés ensemble, ont perdu l’habitude
De suivre dans les champs le chemin des travaux.
Et voici qu’aujourd’hui, ceint de langes nouveaux,
Tu gis, comme un enfant qu’on porte et qu’on balance,
Dans l’immobilité de l’éternel silence.
Pleurez ! Pleurez ! Pleurez ! ô lamentables cris !
Toi veuve au sein voilé, toi mère aux cheveux gris,
Menez le deuil farouche et, déchirant vos membres,
Roulez vos corps meurtris contre les murs des chambres !




La flotte aborde enfin ; le cortège a passé.
Dans l’ordre primitif, loin du Nil traversé,
Il décroît lentement et s’allonge et circule
Par les sentiers rugueux où, dans le crépuscule,